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Page:Coppée - Œuvres complètes, Poésies, t2, 1892.djvu/226

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Comme si de la voir le jasmin fût charmé,
Pour elle il exaltait son arôme embaumé
Et doux comme une voix qui murmure : « Je t’aime ! »
Quand venait la Toussaint, le pâle chrysanthème
Lui souriait encor sous les feuillages bruns ;
Et les fleurs lui rendaient son amour en parfums.

Or, ce fut dans la paix profonde de ce cloître,
Dont le pieux renom ne cessait de s’accroître,
Qu’un jour une nouvelle affreuse pénétra.

Après avoir rompu le colloque d’Égra,
Procope le Tondu, le chef des Taborites,
Relevait l’étendard des doctrines proscrites
Que Jean Huss proclama du haut de son bûcher,
Et contre l’Empereur s’apprêtait à marcher ;
Et Thécla savait bien que, si son monastère
Se trouvait sur les pas de l’horrible sectaire,
Il l’anéantirait par la flamme et le fer
Et n’épargnerait point ces béguines d’enfer
Qui relevaient du pape, ainsi que leur abbesse,
Et qui communiaient sous une seule espèce.
Sauve qui peut ! Le cri de terreur est jeté.
L’Éger roule à présent un flot ensanglanté
Où des cadavres nus s’en vont à la dérive.