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Page:Coppée - Œuvres complètes, Poésies, t2, 1892.djvu/242

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— Par Allah ! lui répond Khalil, ô noble fils
Du grand Mourad, cette heure est bien plus mal choisie
Pour l’ivresse amoureuse et pour la poésie.
Tes soldats révoltés vont forcer le palais.
Par ton aspect sublime, ô maître, apaise-les.
Hautesse, montre-toi. Fais-les, par ta présence,
Rentrer dans le devoir et dans l’obéissance.
Ils se rappelleront quels respects te sont dus ;
Mais il faut te montrer, ou nous sommes perdus ! »

Pendant que le vieillard parle d’une voix grave,
Mahomet deux sourit toujours à son esclave,
Qui, prise d’un pudique et charmant embarras,
Contre lui s’est glissée et le tient dans ses bras,
L’effroi dans ses beaux yeux de pervenches fleuries,
Et meurtrissant sa gorge aux rudes broderies
Du caftan de drap d’or où brillent des rubis.

« Je rendrai ces mutins doux comme des brebis,
Dit le sultan. Je sais à quel point sont sincères
Le respect et l’amour de mes vieux janissaires.
Je boudais, voilà tout… On veut me voir… C’est bien. »
Puis, faisant signe à Djem, l’eunuque nubien
Qui goûte à tous ses plats et qui lèche la pierre
Sur laquelle on étend son tapis de prière,
 Et