Page:Coppée - Œuvres complètes, Poésies, t2, 1892.djvu/271

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Condamnés ou du moins suspects, tous innocents !
Chaque matin, un homme, à figure farouche,
Entrait, puis, retirant sa pipe de sa bouche
Et lisant bien ou mal ses immondes papiers,
Appelait, par leurs noms souvent estropiés,
Ceux qu’attendait dehors la fatale charrette.
Mais l’âme de chacun à partir était prête ;
Le nouveau condamné, sans même avoir frémi,
Se levait, embrassait à la hâte un ami
Et répondait : « Présent ! a à l’appel sanguinaire.
Mourir était alors une chose ordinaire ;
Et tous, les gens du peuple et les gens comme il faut,
Du même pas tranquille allaient à l’échafaud.
Le Girondin mourait comme le royaliste.

Or, un jour de ces temps affreux, l’homme à la liste,
En faisant son appel dans le troupeau parqué,
Venait de prononcer ce nom : « Charles Leguay ! »
Quand, parlant à la fois, deux voix lui répondirent ;
Et du rang des captifs deux victimes sortirent.

L’homme éclata de rire en disant :
                                                  « J’ai le choix. »

L’un des deux prisonniers était un vieux bourgeois,