Page:Coppée - Œuvres complètes, Poésies, t2, 1892.djvu/378

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J’entrais en scène alors sous les traits d’un rapin
Portant le large feutre et la vareuse usée,
Qui, comme elle, venait travailler au Musée
Et bientôt trouvait doux de la voir tous les jours.
Et puis j’imaginais nos timides amours.
Dans le Salon carré négligeant mes copies,
Je venais dessiner la Diane de Gabies,
Près de la jeune fille au profil pur et fin.
Quelle audace il fallait pour lui parler enfin,
Un jour en prétextant d’emprunter une estompe !
Oh ! les regards furtifs qu’il faut qu’on interrompe
Quand passe lentement l’importun visiteur.
Pourtant je finissais par plaire, avec lenteur,
Et, bien qu’en me parlant elle fût inquiète,
A cause du gardien dormant sur la banquette,
Elle me confiait tout, espoirs et douleurs ;
Et parfois j’apportais dans ma boite à couleurs
Des fruits qui s’écrasaient un peu, — c’était dommage ! —
Mais dont elle voulait bien accepter l’hommage
Et dont nous déjeunions tous deux, en partageant,
Sous la protection du regard indulgent
Des dieux grecs qui gardaient leurs poses sculpturales
Et songeaient aux amours naïfs des pastorales.