Page:Coppée - Œuvres complètes, Poésies, t3, 1888.djvu/33

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Et la lame en fureur qui crachaient des galets.
— Un canot ! répétait ton père. Sauvons-les !
Un canot à la mer, ou nous sommes des lâches !
Le mien, si vous voulez ; car aux plus rudes tâches
Il est bon ; il ne craint ni le flot ni le vent,
Et je l’ai baptisé d’un beau nom : En avant !…
Ah ! les hommes sont fous, mon Tiennot !… Ils partirent.
Et tous ont péri, tous… A l’heure où se retirent
Les vagues, tu m’as vue aller, tout cet hiver,
Chaque jour, aussi loin que va la basse mer.
Mais l’Océan qui meurt à mes pieds et les lave
N’a jamais rejeté la plus petite épave,
Pas plus du grand trois-mâts que du pauvre canot…
O mon mignon chéri ! Pauvre petit Tiennot !
Ne va plus sur la mer… tu sais, j’ai ta promesse…
Monsieur le recteur t’aime et tu lui sers sa messe ;
Il t’apprend l’écriture… Eh bien, c’est ton destin,
Tu deviendras un prêtre et parleras latin.
Et puis, loin de ces flots dont le bruit m’épouvante,
Quand tu seras curé, je serais ta servante.
Ne te fais pas marin !… D’ailleurs, tu m’as promis…
 
L’enfant se tait. Il songe à ses petits amis,
A ces gamins qu’il voit, dès que le matin brille
A bord d’une chaloupe, aller à la godille,