Page:Coppée - Œuvres complètes, Prose, t1, 1892.djvu/248

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toujours il rentrait courageusement chez lui ; et comme il aimait davantage Pierrette à chaque sacrifice qu’il lui faisait, il l’embrassait mieux ces jours-là. Car il l’embrassait. Ce n’était plus sa servante. Une fois qu’elle se tenait debout près de la table, l’appelant : Monsieur, et toute respectueuse, il n’y put tenir, il lui prit les deux mains et il lui dit avec fureur :

« Embrasse-moi d’abord, et puis assieds-toi, et fais-moi le plaisir de me tutoyer, mille tonnerres ! »

Aujourd’hui c’est fini. La rencontre d’un enfant a sauvé cet homme d’une vieillesse ignominieuse. Il a substitué à ses vieux vices une jeune passion ; il adore ce petit être infirme qui sautille autour de lui dans la chambre commode et bien meublée.

Déjà il a appris à lire à Pierrette, et voici que, se rappelant sa calligraphie de sergent-major, il lui trace des exemples d’écriture. Sa plus grande joie, c’est lorsque l’enfant, attentive devant son papier et faisant parfois un pâté qu’elle enlève vivement avec sa langue, est parvenue à copier toutes les lettres d’un interminable adverbe en ment. Son inquiétude, c’est de songer qu’il devient vieux et qu’il n’a rien à laisser à son adoptée.

Aussi voilà qu’il est presque avare ; il thésaurise ;