Page:Coppée - Œuvres complètes, Prose, t1, 1892.djvu/302

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il s’était donné comme un marin las de la mer, ayant perdu ses papiers dans un récent naufrage, et qui voulait essayer d’un autre état. Sa face hâlée, ses mains calleuses, et quelques termes de bord qu’il lâchait de temps à autre, rendaient ce roman assez vraisemblable.

Un jour qu’il s’était risqué à flâner par les rues, et que le hasard de la marche l’avait conduit jusque dans ce Montmartre où il était né, un souvenir inattendu l’arrêta devant la porte de l’école des Frères dans laquelle il avait appris à lire. Comme il faisait très chaud, cette porte était ouverte, et, d’un seul regard, le farouche passant put reconnaître la paisible salle d’étude. Rien n’était changé : ni la lumière crue tombant par le grand châssis, ni le crucifix au-dessus de la chaire, ni les gradins réguliers avec les planchettes garnies d’encriers de plomb, ni le tableau des poids et mesures, ni la carte géographique sur laquelle étaient même encore piquées les épingles indiquant les opérations d’une ancienne guerre. Distrait et sans réfléchir, Jean-François lut, sur la planche noircie, cette parole de l’Évangile qu’une main savante y avait tracée comme exemple d’écriture :