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Page:Coppée - Œuvres complètes, Prose, t3, 1890.djvu/132

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gagnait cinquante francs par mois, avec la nourriture et le logement. Elle n’était libre que le dimanche, dans l’après-midi, et ne connaissant personne à Paris, elle visitait les musées, les jours de mauvais temps, ou se promenait dans les jardins publics quand il faisait beau, et elle emportait toujours, l’enfant solitaire qu’elle était, un livre qui lui tenait compagnie.

Marius prit celui qu’elle avait à la main et lut le titre. C’était le Myosotis d’Hégésippe Moreau.

Il lui dit alors qu’il était poète, lui aussi, et combien il se sentait perdu dans la grande ville. Elle le plaignit avec de caressantes paroles et voulut connaître quelques-uns de ses vers. Marius, de sa voix profonde qui était encore plus belle quand il la contenait, lui récita les seules strophes sincèrement émues qu’il ait trouvées dans sa vie. Il les avait écrites, la veille au soir, à la lueur de sa bougie d’hôtel, dans sa chambre froide et nue, et c’était un sanglot de douleur dont Anna admira l’éloquence sans en sentir l’égoïsme. Quand Marius eut fini, elle avait les yeux pleins de larmes.

Ils ne songeaient plus à se séparer. Ils restèrent ensemble ainsi, s’asseyant sur les bancs ou suivant les longues allées, jusqu’à la tombée du jour, quand