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Page:Coppée - Œuvres complètes, Prose, t3, 1890.djvu/135

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jolie maîtresse, point gênante, « hebdomadaire », comme il la qualifia un jour en racontant son aventure à un camarade. Il prit même quelquefois plaisir à lire ces pages brûlantes où flambait à chaque ligne un vrai mot d’amoureuse. Celui-ci, par exemple : « Quand je me dis intérieurement ton nom, il me semble que ma pensée sourit. » Mais, au fond, le froid méridional n’aimait point Anna. Bientôt, ces longues épîtres, auxquelles il ne prenait pourtant même pas la peine de répondre, l’importunèrent, et il les jeta, sans les ouvrir, au fond d’un tiroir. Puis Anna elle-même l’ennuya. Il avait été présenté à une comédienne de l’Odéon, qui semblait avoir un caprice pour ses yeux languissants et sa barbe fourchue ; il rêvait déjà de lui écrire un rôle, d’arriver au théâtre par son entremise. Marius prit donc le parti de rompre avec Anna. Il le fit avec une indigne brutalité, dans une scène où il laissa éclater tout son cynisme et toute sa dureté de fils de paysan ; et la pauvre enfant s’en alla la tête basse, les membres cassés, frappée au cœur, tuée.

Il n’entendit plus parler d’elle, ne s’en inquiéta nullement, absorbé qu’il était par le rude combat