Page:Coppée - Œuvres complètes, Prose, t3, 1890.djvu/18

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marqué, au Petit-Saint-Thomas, un mérinos, bon teint et grande largeur, « pour vos robes d’hiver, mesdemoiselles. » Et elle ajoutait gravement : « C’est tout laine ! » comme si le coton n’eût jamais existé, et comme si, à cause de lui, des milliers de nègres n’eussent pas souffert plusieurs siècles d’esclavage.
Tout à coup, — il faisait presque nuit dans la chambre, — le père s’apercevait que son petit garçon venait de s’endormir, la tête sur son bras replié, parmi l’écroulement du dernier château de cartes.
— « Ah ! ah ! — disait joyeusement le brave homme, — le « marchand de sable » a passé. » L’exquise minute ! Il ne l’oubliera jamais, le gamin, qui a des cheveux gris maintenant ! Sa mère le prenait dans ses bras, et il sentait la barbe rude de son père et les lèvres fraîches de ses trois sœurs se poser tour à tour sur son front ensommeillé ; puis, avec une délicieuse sensation d’évanouissement, il laissait tomber sa petite tête sur l’épaule maternelle, et il entendait confusément une voix douce — oh ! si douce et si caressante ! — murmurer près de son oreille :

— « Maintenant, il s’agit de faire dodo ! »