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Page:Coppée - Œuvres complètes, Prose, t3, 1890.djvu/192

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Elle s’éloigna de la vitrine, lentement, avec un long regard de regret.

— « Allons ! — dit-elle, — ces joujoux-là, c’est bon pour les autres ! »

A ce moment précis, par un de ces coups de pensée où l’on voit l’avenir prochain dans une lueur d’éclair, je me rappelai dans tous ses détails l’intrigue d’écurie racontée par mon camarade ; je conçus une confiance absolue dans le succès de Grain-de-Sel ; j’eus le cœur étreint par la tentation de prendre deux mille francs dans ma caisse, d’acheter le bracelet pour Marguerite et de jouer le reste ; j’imaginai un moyen de dissimuler le vol pendant quelques jours, afin de pouvoir restituer secrètement la somme, si je gagnais aux courses ; je me vis enfin libéré de tout souci, les poches pleines d’or, venant de faire un dîner fin avec ma maîtresse, assis derrière elle dans l’ombre d’une baignoire de petit théâtre, et mordillant de temps en temps entre mes lèvres les frisons de cheveux qu’elle a dans le cou.

Je pensai à toutes ces choses à la fois, en une seconde, avant que Marguerite eût détourné ses yeux de la vitrine éblouissante.

Je l’entraînai, lui serrant le bras, hâtant le pas, le