Aller au contenu

Page:Coppée - Œuvres complètes, Prose, t3, 1890.djvu/208

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

femme veille toujours, auguste et sacré, dans sa mémoire, comme une lampe de sanctuaire.

Michel avait vingt ans à peine et travaillait depuis dix-huit mois seulement dans l’atelier de Gérôme, à l’École des Beaux-Arts, lorsque mourut subitement son père, l’honnête caissier de la Salamandre, compagnie d’assurances contre l’incendie, d’une médiocre importance. La place était modeste, et le bonhomme ne laissait à sa veuve qu’une insignifiante épargne. La Salamandre, en souvenir de l’intègre et ancien serviteur, offrit à Mme Guérard, pour son fils, une place convenable dans les bureaux de la Compagnie. Le jeune homme l’eût acceptée par dévouement pour sa mère ; mais celle-ci refusa le sacrifice.

— « Non ! — dit-elle, en serrant longuement le grand garçon contre son cœur et en le baisant sur sa belle chevelure noire, toujours si sauvagement emmêlée, — non ! mon garçon, fais de la peinture, puisque c’est ton idée... Nous vivrons comme nous pourrons. ».

Et l’on vécut comme on put, c’est-à-dire fort mal, tout en haut de Montmartre, non loin du moulin ruiné, — dégénéré depuis en guinguette, — au cinquième étage d’une maison neuve, construite