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Page:Coppée - Œuvres complètes, Prose, t3, 1890.djvu/214

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empreintes d’une poésie sévère et mélancolique qui inquiètera toujours le bourgeois, et bien que tous les vrais artistes considèrent Guérard comme un maître, les amateurs opulents n’auront jamais un goût bien vif pour ces âpres tableaux, où la vie des pauvres est peinte par un pauvre.

Cependant, Michel exposa sa Musicienne des rues, à laquelle le jury, peu sympathique jusque-là, ne put s’empêcher de décerner une première médaille. La gravure popularisa en peu de temps cette dolente et maigre figure de jeune fille, ouvrant, pour chanter, une bouche si pure, et jouant du violon avec un geste si gracieux et si naturel. Maman Guérard, déjà bien malade, eut la joie de lire, ses lunettes sur le nez, dans le lit d’où elle ne devait pas se relever, les articles des journaux qui saluèrent en termes enthousiastes la gloire naissante de son fils. Enfin, Michel Guérard eut, dans l’art contemporain, sa place légitime, mais sans devenir pour cela beaucoup plus riche.

Or, deux ans après la mort de sa mère, — nous avons dit quel pieux et ardent souvenir il lui gardait, — Michel fut invité à un dîner qu’un de ses amis, un prix de Rome partant pour la