Page:Coppée - Œuvres complètes, Prose, t3, 1890.djvu/294

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pourtant, à cause de l’enfant. Mais de nouveaux malheurs venaient alors la frapper. L’Empire s’écroulait, son père mourait, tué raide d’un coup d’apoplexie par la nouvelle de la capitulation de Sedan. Enfin, après la guerre, son mari, élu député, la ramenait à Paris... Et elle se rappelait les longues années d’ennui, de solitude, passées dans ce même boudoir, près de cette même fenêtre, devant ce fleuve qui coulait toujours, si lent, si monotone, comme sa vie !

Sans doute, elle avait son fils, qu’elle aimait d’une tendresse passionnée et qui, à treize ans, était déjà un compagnon pour elle, un petit homme. N’avait-elle pas vécu jusqu’alors pour lui seul ? Eh bien, elle continuerait, voilà tout ! Elle vieillirait auprès de lui, le marierait, deviendrait grand’mère. Son cher petit Armand ! Elle l’attendait. Il allait revenir du lycée. Et elle s’attendrissait à la pensée qu’il entrerait tout à l’heure dans cette chambre, frêle en habits de deuil, qu’il se jetterait à son cou, qu’elle le baiserait longuement, ardemment, sur son front pâle d’écolier laborieux, et qu’elle le retiendrait ainsi dans ses bras, le regardant avec amour bien au fond de ses profonds yeux noirs qu’il tenait