Page:Coppée - Œuvres complètes, Prose, t3, 1890.djvu/303

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retournaient sur leur passage ; mais la belle veuve ne remarquait même pas que tous les hommes avaient encore pour elle un regard soudainement charmé, tout occupée qu’elle était de chercher, dans les yeux des femmes, un instant fixés sur son fils, ce sourire fugitif qui signifie clairement : « Le joli garçon ! » Il ne paraissait pas y prendre garde, d’ailleurs, et c’était une douceur de plus pour cette mère, de se dire que son cher fils, si intelligent, si précoce, était en même temps si pur et ignorait à ce point sa beauté.

Elle y songeait bien quelquefois, à cette crise solennelle de la puberté, à cette redoutable métamorphose qui, de l’adolescent, fait un homme. Oui, un jour viendrait— jour maudit !— où son Armand aimerait une autre femme autrement et plus qu’elle. Cette pensée la faisait si douloureusement souffrir que, prise de lâcheté, elle ne voulait pas s’y arrêter, la chassait de son esprit. A coup sûr,— mais plus tard, oh ! bien plus tard,— quand Armand aurait fait son droit, entrepris une carrière, il se marierait. Cela, c’était tout naturel. Et alors elle serait raisonnable, l’aiderait à choisir une compagne qui pût le rendre heureux. Mais la maîtresse, la voleuse de jeunes cœurs, celle qui