Page:Coppée - Œuvres complètes, Prose, t3, 1890.djvu/310

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elle avait eu la naïveté, la bêtise de le croire meilleur, plus délicat que les autres hommes ! Allons donc ! Il l’avait bien dans les veines, le sang de son père, le sang de vice et de débauche qui donnait au gros Bernard des apoplexies de désir devant la pire des maritornes. Eh bien, là, vraiment ! c’était du propre !

Brisée, navrée, un cloaque d’amertume et de dégoût dans le cœur, Mme Bernard des Vignes restait assise, les yeux sur la fatale lettre, dans cette jolie chambre, où tout,— les meubles élégants, la lumière discrète, les livres bien reliés, jusqu’au fin parfum des menus objets en cuir de Vienne placés en ordre sur le bureau,— tout lui rappelait les habitudes raffinées, l’enfance pure et studieuse de son fils. Et cette lettre qu’elle tenait à la main, cette lettre pareille à un crapaud rencontré dans le sable ratissé d’un parc anglais, cette lettre qui puait le peuple, bousillée sur du papier acheté chez l’épicier, avec ses deux grossières fautes d’orthographe et sa vulgaire écriture d’enfant des écoles primaires, faisait monter une nausée aux lèvres de l’honnête femme.

Tout à coup, Armand entra, son portefeuille d’