Page:Coppée - Œuvres complètes, Prose, t3, 1890.djvu/325

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Armand l’écoutait, ému de pitié pour cette enfant qui avait déjà tant travaillé, tant souffert. A cette existence de privations, dont la jeune fille racontait les pires heures presque avec gaîté, il comparait son enfance si choyée et si facile. Il songeait que le louis dont il allait payer le dîner eût suffi jadis à Henriette et à sa tante pour vivre toute une semaine. Armand avait un excellent cœur, et des larmes lui montaient aux yeux, tandis que l’ouvrière, en son langage pittoresque et plein de détails douloureux et vrais, lui révélait les vertus d’habitude et les résignations quotidiennes du bon peuple, si vaillant, si ingénieux dans sa misère.

Le jour tombait, quand on leur servit le café. Ils sortirent du restaurant. Les flammes blêmes du gaz s’allumaient sur le couchant rouge. Quand Henriette reprit le bras d’Armand tout naturellement, avec un geste confiant et conjugal, il éprouva une sensation très douce.

Mais un cocher de Victoria, arrêtant son cheval au bord du trottoir, leur fit signe.

— La soirée est bien belle, dit l’étudiant. Si nous allions faire un tour au Bois ?

— Oh ! oui, s’écria joyeusement la grisette. C’est si bon de voir de vrais arbres !