Page:Coppée - Œuvres complètes, Prose, t3, 1890.djvu/337

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était déjà la bien-aimée, la seule aimée, celle qu’on évoque, quand on est loin d’elle, seulement en fermant les yeux, celle dont le souvenir à toute heure vous poursuit, vous possède, vous court dans le sang et vous enveloppe le cœur. Tout émouvait l’étudiant, tout le touchait dans la personne de sa chère maîtresse. A ses ardeurs de jeune coq, à l’enthousiasme de ses désirs devant ce corps féminin, si frêle et si pur, où flottait encore une grâce d’enfance, s’ajoutait un sentiment d’une profonde douceur, fait de reconnaissance et de généreuse pitié, pour cette vierge naïve et désintéressée, sans calcul et sans défense, qui lui avait donné, dès le premier sourire, comme on donne une rose, son unique trésor, la fleur de ses vingt ans. Et il se jurait, le droit et honnête enfant, de l’aimer pour toute la vie.

Quant à Henriette, elle s’abandonnait à son amour avec cette précieuse faculté de ne vivre que pour l’heure présente, avec cette insouciance pleine de sagesse, privilège des simples et des ignorants. Le jour, l’inévitable jour où elle serait séparée d’Armand, eh bien, il n’y aurait plus au monde de bonheur pour elle, voilà tout ! En attendant, elle en jouissait éperdument, de ce bonheur.