rencontrait ses yeux éperdus, ses yeux pâles d’homme qui a perdu la tête.
Il l’avait perdue, en effet ; mais vous étiez une honnête fille, tout simplement. A cinq ans, vous deveniez orpheline, votre père, l’Homme à la Perche, s’étant tué net en tombant sur la nuque. Les gens du cirque avaient adopté l’enfant de la balle. Le vieux clown parisien Mistigris vous avait appris le français, puis un peu à lire et à écrire. Après avoir été l’enfant gâtée, — et respectée, malgré tout, — de ces braves saltimbanques, vous étiez devenue une des gloires de leur entreprise. Vous gagniez votre vie, honnêtement, à montrer vos jambes, mais vous étiez sage pour de bon ; et, — rappelez-vous, — le soir où le comte vous offrit cette parure de turquoises, assez brutalement, il faut bien le dire, vous faillîtes le cravacher en pleine écurie, devant le box de l’éléphant.
C’était fait pour déchaîner un homme à passions. Le « Johnson’s american Circus » faisait son tour de France. Le comte vous suivit à Orléans, à Tours, à Saumur, à Angers ; — et enfin, à Nantes, il fit la folie complète, comme un Russe, et, n’ayant plus ni père ni mère, il vous enleva pour vous épouser.