Aller au contenu

Page:Coppée - Œuvres complètes, Prose, t3, 1890.djvu/83

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

cheveux blonds desséchés, semblait presser et amaigrir l’ovale, jadis pur, de ce triste visage, meurtri par la souffrance. Les grands yeux, d’un bleu faïence, étaient encore jolis et touchants, malgré la patte d’oie et la poche aux larmes. Vieille à trente ans, Mme Mallet faisait le dos rond à la façon des femmes du peuple souvent battues. D’une main, elle maintenait sur son genou un paquet assez volumineux, enveloppé dans un journal, et de l’autre, avec un geste maternel, elle serrait contre elle son fils, enfant chlorotique, qui avait l’air d’avoir grandi en prison. Le détail le plus douloureux, c’étaient les gants de la pauvre veuve, d’horribles gants de castor noir, blanchis aux coutures et crevés au bout des doigts.

Saisi d’une vive pitié, je dis à Mme Mallet que je n’avais pas oublié son mari, et je la priai de disposer de moi.

Elle défit alors son paquet, qui contenait une demi-douzaine de volumes à couverture rouge, et elle m’en offrit un.

— « Puisque vous avez la bonté de souscrire, — me dit-elle, — voici votre exemplaire, monsieur. »

Je jetai un regard sur le titre, imprimé en caractères d’un noir profond sur papier sang