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Page:Coppée - Œuvres complètes, Théâtre, t4, 1899.djvu/160

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LE CURÉ.

J’ai dit. Maudissez-moi ! Non ! je pleure avec vous.
Vos blasphèmes n’ont rien qui m'indigne ou m’étonne.
Je ne les entends pas, et Dieu vous les pardonne.
Mais dans la sainteté qu’il vient de revêtir,
Dans sa gloire, parmi les anges, le martyr
Seul a le cœur navré par sa sœur douloureuse.

MADEMOISELLE ROSE, éclatant en sanglots.

Ah ! monsieur le curé, je suis si malheureuse !
Pardon… Je ne sais plus vraiment ce que je dis.
Oui, vous avez raison, il est en paradis ;
Mais, moi, voyons ! comment voulez-vous que je vive ?
Oui ! j’ai tort de toucher ma plaie, et la ravive.
C’est ainsi, je sais bien, j’ai tort, je me soumets ;
Mais on ne peut comprendre à quel point je l'aimais !
J’étais plus qu’une sœur pour mon malheureux frère.
Quand il était petit, je lui tins lieu de mère,
Et plus tard, prêtre grave et plein de piété,
Il me faisait l’effet d’un père respecté.
Le pur et grand chrétien à la foi bienfaisante,
J’aimais à le servir en fille obéissante,
Et cet homme naïf, distrait, toujours rêvant,
Je le soignais encor comme un petit enfant ;