Page:Coppée - Contes tout simples, 1920.djvu/51

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
46
CONTES TOUT SIMPLES

hasard ironique, s’appelait Madame Napoléon. Ce nom de Madame Napoléon, qui revenait constamment dans les discours de la mère Bernu, exerçait sur moi une sorte de fascination, et je ne pouvais me figurer la concierge du faubourg Saint-Honoré que coiffée de la couronne et traînant le manteau impérial. Un jour, maman Nunu nous conduisit chez sa fille : c’était une grosse commère, déjà vieille, qui nous offrit des tartines d’excellent raisiné. Mais mon cerveau d’enfant ne voulut pas admettre cette réalité, et, même après cette visite, le nom prononcé de Madame Napoléon n’évoqua jamais dans ma pensée que l’image d’une radieuse impératrice.

Comme toutes les personnes âgées, la mère Bernu, dans ses entretiens du boulevard des Invalides, remontait volontiers vers ses plus lointains souvenirs. Elle avait dîné dans la rue, sur une table dressée devant sa maison, le jour de la Fédération : elle avait vu passer