Page:Coppée - Discours de réception, 1884.djvu/14

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paternelle sympathie. Il m’en a donné plus d’un témoignage. Je conserve précieusement et souvent je relis avec émotion une lettre de M. de Laprade dans laquelle il me remercie d’une page bien sincère écrite sur ses œuvres, et « conçoit l’espérance » — ce sont ses propres expressions — « d’être un jour loué par moi dans un lieu plus retentissant et plus solennel ». Ce désir, il l’a confié à plusieurs d’entre vous ; il l’exprimait encore, dans les derniers jours de sa vie, devant sa chère famille. J’éprouve une grande douceur a croire que son suffrage ne me manque pas aujourd’hui, et j’aime la tâche que vous m’imposez de faire l’éloge d’un poète de race qui fut excellent pour moi ; car je suis soutenu dans ce devoir par deux sentiments, l’admiration et la reconnaissance.

Issu d’une noble et ancienne famille du Forez, Pierre-Marin-Victor Richard de Laprade naquit en 1812, à Montbrison, contrée montagneuse et boisée. Deux veuves, ses aïeules, le bercèrent avec de tragiques histoires du temps de la Terreur. L’une d’elles, sa grand’mère du côté maternel, portait sur son cœur, comme une relique, l’admirable testament de son mari, M. Chevassieu, maire de Montbrison, fusillé à Feurs, avec dix autres parents des Laprade, dans un massacre de vingt-huit victimes ordonné par Javogne, un des plus hideux proconsuls d’alors. L’aïeul paternel du poète, M. Marin de Laprade, soldat et savant, qui avait vaillamment porté l’épée de cadet, avant d’exercer avec talent la carrière médicale à Montbrison, avait comparu, le même jour que son ami M. Chevassieu, devant le tribunal de sang. Absous par hasard, il avait peu survécu à cette terrible