elle est tenue de faire les premiers pas, de nous prévenir, d’avoir pour nous de débonnaires indulgences. Qu’elle ne nous attende pas sur sa montagne ! Elle risquerait de nous attendre longtemps ; nous dirions : « C’est trop loin ! C’est trop haut ! » Il faut qu’elle vienne nous trouver chez nous et que nous prenant par la main, elle nous emmène chez elle. Dante le savait bien : s’il n’avait eu soin de nous raconter Françoise de Rimini, Farinata et les tortures d’Ugolin, peu d’entre nous peut-être l’accompagneraient dans son paradis. Mais M. de Laprade a su confondre ses accusateurs, ceux qui lui reprochaient que sa poésie n’était pas assez humaine, qu’elle était trop éthérée, trop céleste pour nous attirer. Il leur a fait à tous la meilleure des réponses : il a écrit cette Pernette, dont vous avez si bien parlé ; il a écrit ses chants patriotiques ; il a écrit le Livre d’un Père, et il a montré que son talent était aussi souple qu’abondant, que les vrais poètes, quand il leur convient, savent ajouter des cordes à leur lyre.
Et vous aussi, Monsieur, vous êtes un vrai poète. Cela prouve que la poésie comme tous les arts a beaucoup de genres, qu’il y a beaucoup de demeures dans sa maison ; car, vous le disiez tantôt, vous ressemblez bien peu à votre prédécesseur, et vous ajoutiez fort justement qu’en vous choisissant pour le remplacer parmi nous, notre Compagnie semblait avoir témoigné à la fois de son amour pour le talent et de son goût pour les contrastes. M. de Laprade a composé d’admirables cantiques ; ce n’est pas là que vous portent vos inclinations, et vous n’êtes pas homme à faire violence à votre naturel. Il a composé des pièces satiriques où