Page:Coppée - Discours de réception, 1884.djvu/53

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Faire un somme, bercé d’un murmure de femme.

Ce ne sont pas là vos rêves habituels. Vous ne vous êtes marié qu’en vers et qu’en songe, mais c’est un songe que vous avez souvent fait et qui vous a inspiré six pièces intitulées : Jeunes Filles, que je compte parmi les plus achevées qui soient sorties de votre plume. Un jour, à travers la grille d’un frais cottage, vous apercevez une amazone, svelte et blonde, debout entre deux gros vases de faïence et portant sous son bras

Sa lourde jupe, avec un charmant embarras.

Vous vous représentez aussitôt un bonheur calme et patricien,

Ou cette noble enfant vous serait fiancée.

Quelquefois vous en demandez davantage, et votre imagination s’échappe jusque dans les sphères inaccessibles. Une princesse royale, aux yeux clairs, en robe de satin blanc, nu-tête, vous apparaît dans un parc Scandinave, et vous lui criez de loin, de très loin :

Je suis un czarévich, très blond et presque enfant,
Qui porte ce jour-là l’ordre de l’Éléphant
Pour faire à votre père ainsi ma politesse,
Et je viens demander la main de Votre Altesse.

Vraiment, vous, ne Vous refusez rien ; c’est le privilège du poète. Vous étiez plus modeste le jour d’été que, cheminant dans un train de banlieue, vous avez entrevu à la station de Sèvres un groupe de trois sœurs presque pareilles : mêmes robes, mêmes cheveux au