Page:Coquelin et Guillaumin - Dictionnaire de l’économie politique, 1.djvu/477

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leurs est importante entre négociants. Ils jouissent de la faculté d’employer une somme, de jouir de l’intérêt qui s’y attache, dès le moment où elle est effectivement entrée dans leurs mains. De même ils sont privés du pouvoir d’en tirer parti , dès le moment où ils s’en dessaisissent. Pour cette raison , aux comptes courants que s’envoient les négociants entre eux , se trouve joint ordinairement un compte d’intérêts. Il paraît difficile au premier aperçu de balancer les intérêts d’une foule de sommes , les unes payées, les autres reçues à toutes sortes d’époques différentes. Voici comment l’on s’y prend : « On établit à côté de la colonne des sommes portées, soit au débit, soit au crédit d’un compte courant, une autre colonne destinée à contenir les intérêts de chaque article. Pour calculer ces intérêts, on fixe arbitrairement une époque pour l’ordinaire plus reculée que la dernière échéance des valeurs contenues dans le même compte ; par exemple, si l’un de mes correspondants m’a fait des remises dont quelques-unes ne seront payables qu’à la fin de l’année , je prends pour une époque commune la fin de l’année, et je suppose que les sommes du compte sont toutes à recevoir et à payer ce jour-là. Je dois dès lors à mon correspondant les intérêts de toutes les sommes que j’ai reçues ou que je dois recevoir pour lui, depuis le moment de leur échéance véritable, jusqu’à la fin de l’année; comme lui, de son côté, me doit les intérêts de toutes celles que j’ai déboursées pour son compte , depuis l’époque du déboursement jusqu’à la fin de l’année également. Ces deux colonnes d’intérêts comparées par l’addition qu’on en fait, montrent quel est celui des deux qui a été le plus longtemps en avance à l’égard de l’autre , et le solde des intérêts est porté, dans la colonne des sommes principales, au débit de celui des deux qui doit plus d’intérêts qu’il ne lui en est dû. On solde ensuite les sommes principales , et le solde que l’un des deux doit à l’autre est dû dès l’instant qui a été choisi pour une époque commune. « Si, par exemple, à la suite du compte courant et d’intérêts que j’ai remis à mon correspondant dans l’exemple ci-dessus , il se trouve être mon débiteur d’une somme de 9,000 fr., je lui mande que son compte est soldé par 9 ,000 fr. , que je porte à son débit dans un compte nouveau, valeur à la fin de l’année, c’est-à-dire une somme pour solde dont il me devra les intérêts à partir de ladite époque. En effet, le compte d’intérêts ayant modifié, chaque somme du principal pour la réduire à ce qu’elle aurait été à l’époque unique qui a été fixée , toutes les sommes sont comme si elles avaient été reçues et payées ce jour-là. Or, si ce jour-là j’ai payé pour mon correspondant 9,000 fr. de plus que je n’ai reçu pour son compte, il me les doit à partir de ce jour-là. « Il me reste à vous expliquer, messieurs, ce que devient le solde du compte de profits et pertes, où nous avons renvoyé les soldes de. tous les comptes qui n’ont pu se solder par leurs propres moyens. « Ce compte m’offre à son débit toutes les sommes perdues, et à son crédit toutes les sommes gagnées durant l’espace qu’il embrasse. Ces deux côtés ne se balancent presque jamais par appoint. Supposons qu’il y ait au crédit un surplus, un solde qui représente l’excédant des bénéfices sur les pertes. Cet excédant a été confié au personnage fictif appelé compte de profits et pertes; comment son compte sera-t-il soldé? Si je suis seul propriétaire de mon entreprise, on portera ce solde au crédit de mon compte de capital, au crédit du compte par lequel, en formant mon entreprise, j’ai mis un capital quelconque au service de cette entreprise. En d’autres termes, mon capital se trouvera accru de ce que j’ai gagné; comme, dans le cas contraire, il se trouverait diminué do ce que j’aurais perdu.

« Dans une entreprise où se trouvent plusieurs associés, l’acte de société a dû régler d’avance dans quelles proportions seraient partagés les pertes ou les bénéfices : on porte alors une, deux, ou trois, ou cinq de ces parts au crédit ou au débit des comptes particuliers de chaque associé. Chacun sait par ce moyen quels sont ses droits dans l’entreprise.

« Après avoir, en différentes occasions, fourni des fonds à une entreprise et en avoir retiré au besoin, après que chaque associé a eu son compte crédité de ce qu’il a fourni, et débité de ce qu’il a reçu, on voudra savoir comment chaque associé, au moment d’une liquidation , retirera sa part, accrue de ses bénéfices ou diminuée de ses pertes: avec quels fonds sera-t-il payé de la portion qui lui revient? Avec les fonds détaillés dans l’inventaire de l’entreprise, tels qu’ils résultent de l’excédant de ce qui lui est dû sur ce qu’elle doit. Les soldes de comptes dus par les correspondants ne sont-ils pas exigibles à l’époque convenue pour le règlement de chacun? Les marchandises encore en magasin, si elles ne sont pas évaluées au-delà de leur valeur au comptant, ne répondent-elles pas de toute la somme pour laquelle on les a portées au débit du compte de marchandises? Enfin la caisse ne renferme-t-elle pas les espèces du montant desquelles elle est débitée? S’il y a eu des pertes à supporter, à quelqu’un de ces égards, n’ont-elles pas dû être portées au débit du compte de profits et pertes, et par conséquent n’ont-elles pas dû réduire d’autant l’actif à partager?

« C’est ainsi, messieurs, que se tiennent et se règlent les comptes de tous ceux qui ont des entreprises industrielles. Ce que je vous ai dit peut suffire aux personnes qui ont des intérêts à débattre avec des entreprises de ce genre; à celles qui veulent exercer convenablement des fonctions judiciaires ou administratives. Pour les hommes qui veulent être commerçants, manufacturiers et même agriculteurs, ces considérations, toutes rapides et abrégées que j’ai été forcé de les rendre, faciliteront beaucoup l’étude plus détaillée qu’ils feront des procédés de leur art, parmi lesquels je comprends pour beaucoup l’ordre et la tenue des comptes. On arrive avec le temps à savoir toutes ces choses par routine ; mais combien n’apprend-on pas plus vite et plus aisément la pratique, quand on voit d’avance le motif et le but de chaque opération?

« Un administrateur des finances de l’État a beaucoup de bonnes idées à prendre dans les procédés du commerce. Ils tiennent à l’art de l’une et de l’autre, plutôt qu’à la science; je le sais. Mais la science en général ne s’éclaircit-elle pas par les applications qu’on peut en faire? »

(J.-B. Sat, Cours d’écon. pol.,t. H, p. 472.)