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résultats, c’est avoir recueilli des éléments précieux pour toute décision à prendre, pour tout jugement à prononcer, pour toute mesure législative à prescrire. Il faut que les sociétés soient encore dans l’enfance, ou dominées par la force brutale, pour que le détenteur du pouvoir, souverain ou prêtre, puisse se croire la science infuse, et que, sans prendre la peine de s’enquérir, il dicte des lois et qu’il ordonne. Savoir douter est avoir fait un progrès en sagesse ; et dans les pays libres on s’enquiert et l’on cherche à s’éclairer avant de prendre un parti, et surtout avant de donner à des décisions force de loi pour l’avenir.

On distingue maintenant diverses natures d’enquêtes, dont l’application et le mode sont prévus et réglés par la loi ; ce sont les enquêtes judiciaires, les enquêtes administratives et les enquêtes législatives.

En matière de droit, on entend par enquête une procédure qui a pour but d’arriver à la preuve, à l’établissement d’un fait, par l’audition de témoins qui viennent déposer de sa vérité. Lorsqu’il y a un accident, une mort violente, une enquête judiciaire est commencée sur les causes qui ont amené le fait ; cependant on ne regarde pas comme étant une enquête, dans la propre acception du mot, l’instruction faite par un juge ou par le ministère public pour préparer une mise en accusation, non plus que l’audition des témoins dans un procès criminel ; on réserve en général ce nom aux instructions provoquées incidemment par l’une des parties, dans un procès civil. Le titre XII du Code de procédure règle tout ce qui concerne les enquêtes judiciaires lorsqu’elles sont ordonnées par application de l’art. 1316 ou des art. 1341 et suivants du Code civil.

La formalité d’une enquête préalable est une garantie toujours donnée, lorsqu’il s’agit d’exiger des particuliers le sacrifice de leur propriété contre payement d’une indemnité préalable, quand l’exécution de quelques travaux d’utilité publique vient à le rendre nécessaire. Ces principes ont été naturellement consacrés dans les lois relatives à l’expropriation forcée, notamment dans celles des 7 juillet 1833 et 3 mai 1841.

L’art. 3 de cette dernière loi est ainsi conçu : « Tous grands travaux publics, routes royales, canaux, chemins de fer, canalisations de rivières, bassins et docks, entrepris par l’Etat, les départements, les communes, ou par des compagnies particulières, avec ou sans péages, avec ou sans subsides du trésor, avec ou sans aliénation du domaine public, ne pourront être exécutés qu’en vertu d’une loi qui ne sera rendue qu’après une enquête administrative.

« Une ordonnance royale suffira pour autoriser l’exécution des routes départementales, celle des canaux et chemins de fer d’embranchement de 20 mille mètres de longueur, des ponts et de tous autres travaux de moindre importance.

« Cette ordonnance devra également être précédée d’une enquête.

« Ces enquêtes auront lieu dans les formes déterminées par un règlement d’administration publique. »

Les corps délibérants compétents sont d’abord consultés, c’est sur leur avis que l’enquête est ouverte, et c’est lorsque les résultats de l’enquête sont connus et appréciés que l’utilité publique est déclarée.

Des enquêtes de même nature sont ouvertes pour les travaux de voirie, et lorsqu’il s’agit d’arrêter les plans d’alignement des voies publiques.

C’est encore un mode préalable d’instruction administrative, que les enquêtes dites de commodo et incommodo prescrites lorsqu’il s’agit d’autoriser des établissements dangereux ou insalubres.

Mais les enquêtes législatives sont celles qui ont surtout occupé les économistes, comme pouvant avoir les plus heureuses conséquences sur la préparation des lois. De semblables enquêtes ne peuvent se faire utilement que dans les pays qui jouissent déjà d’une grande liberté politique, et où la publicité des choses utiles n’est entravée d’aucune façon. C’est donc seulement là où les institutions représentatives se sont développées que des enquêtes ont pu être ouvertes sur les questions d’intérêt général.

L’Angleterre en a donné les premiers exemples. Dans ce pays les enquêtes sont ouvertes soit sur l’initiative des ministres de la couronne, soit sur l’ordre de l’une ou de l’autre des chambres du parlement. Dans le premier cas elles sont dirigées par des commissaires, dans le second par les membres d’un comité. Elles sont ensuite imprimées, et font partie des documents parlementaires distribués à la chambre des lords et à celle des communes, et entrent ainsi dans la collection de ce qu’on appelle les livres bleus (blue books). En général la publicité consiste, dans ce cas, non-seulement dans l’impression des rapports des commissaires et des comités, mais encore dans la reproduction textuelle et minutieuse des procès-verbaux tenus des questions posées aux personnes appelées et des réponses que celles-ci ont faites.

Il a été fait, il y a une quarantaine d’années, une réimpression des rapports de quelques-uns des anciens comités de la chambre des communes, en 13 volumes in-folio ; il en est qui remontent à l’année 1715. Le président de la chambre des communes a fait, en 1831, un envoi à la bibliothèque de la chambre des députés de France, de 486 volumes de ces documents[1] ; 359 volumes ont ensuite complété la collection jusqu’en 1847, et depuis lors le nombre des volumes s’est annuellement accru dans une large proportion. Quelques enquêtes anciennes ont encore été réimprimées et jointes aux documents nouveaux, lorsque les mêmes questions revenaient à l’ordre du jour ; cela a été le cas en particulier pour une enquête faite en 1788 sur les honoraires reçus par les employés publics.

Beaucoup de ces enquêtes ont été remarquables, et leurs procès-verbaux offrent des renseignements pratiques nombreux sur les questions économiques ; elles peuvent être, en bien des cas, consul-

  1. Parliamentary papers. — A sélection of the most important Parliamentary Papers from 1715 to 1803 ; Reports of commissionners on public accounts, 1780 to 1787 ; Finance accounts, 1786 to 1791 ; Reports on military inquiry, 1806 to 1810 ; Finance accounts, 1804 to 1810 ; and the Reports, evidences, and Papers printed by order of the house of commons, from 1816 to 1833. — (Papiers parlementaires, etc.), 486 volumes, demi-rel., prix 60 liv. 15 sh., chez Bigg and sons, à Londres.