Page:Coquelin et Guillaumin - Dictionnaire de l’économie politique, 2.djvu/616

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pour la première fois en 1803 ; l’auteur était alors âgé de 36 ans. Ce bel ouvrage, avant même les perfectionnements qu’il devait recevoir de six éditions, était déjà une œuvre immense. Les vérités à peine entrevues par les Économistes du dixhuitième siècle, celles auxquelles Adam Smith avait donné la force de ses démonstrations, se trouvaient enfin complétées et coordonnées dans un ordre logique.

Dès son apparition, le Traité d’Économie politique eut un véritable succès, et attira sur son auteur l’attention du chef de l’État. A la suite d’un dincr à la Malmaison, le premier consul entraîna Jeun-Baptiste Say dans les allées du parc, lui exposant vivement quelles étaient ses intentions pour relever les llnanccs, et cherchant à lui persuader que le succès pratique était ce qu’on devait essentiellement se proposer ; que, dès lors, les livres étaient surtout utiles lorsqu’ils justifiaient aux yeux du public les meures devenues nécessaires. On devait donc faire une nouvelle édition du Traité, et en faire un livre de circonstance. Le maître insista beaucoup sur ses intentions, mais le disciple manquait de la souplesse d’esprit si générale pourtant à cette époque ; ses convictions étaient le résultat d’études sérieuses, et il ne voulut pas les sacrifier.

Il ne tarda pas à être éliminé du tribunat, et il put lire en même temps dans le Moniteur sa nomination aux fonctions de directeur des droits réunis. Père de quatre enfants, n’ayant point de fortune, il semblait que ce fut pour lui une nécessité d’accepter cette position : il refusa cependant, sa conscience lui interdisant de concourir à l’applicatiun d’un système qu’il jugeait devoir être funeste à la France.

La secoude édition du Traité était prête, et déjà il n’était plus possible de l’imprimer ; l’éditeur avait été mande a la direction de la librairie pour y recevoir l’injonction de s’abstenir d’une telle publication.

S étant volontairement interdit la carrière des fonctions publiques, et la force enchaînant la presse, il ne restait à Jean-Baptiste Say, pour faire vivre sa famille, que de se reporter vers le commerce ou l’industrie. 11 se décida pour la filature du coton. Des séries complètes de machines enlevées à l’Angleterre avaient été déposées au conservatoire ; c’est là que M. Say se lit ouvrier ; sjn fils Horace, alors âgé de 10 ans, lui servait de ratlachcur ; l’un et l’autre ne tardèrent pas à devenir experts dans leur partie. Pendant ce temps les machines nécessaires à un établissemenlétaicnl commandées ; bientôt elles furent prêtes, et il fallut chercher un local pour les mettre en activité. La filature fut définitivement établie dans les bâtiments d’un ancien couvent de bénédictins, à Auchy, prèsd’llesdin (Pas-de-Calais ;, où elle existe encore. La population du village n’était point industrieuse, et il y avait là une éducation longue et difficile à faire, un monde à transformer. L’activité du chef suffit à tout : pendant les premières années de son séjour en Artois, il se lit tour à tour mécanicien, ingénieur, architecte, et ue Sï laissa rebuter par aucun obstacle.

Sous une aussi bonne direction, l’établissement prospéra ; il fournissait du travail it des moyens

d’existence à quatre ou cinq cents personnes ; partout dans les environs, on vit l’aisance remplacer la misère, et lorsque, après huit ans, M. et madame Say voulurent revenir à Paris, ce fat as deuil général dans le pays ’.

Ce long séjour dans une retraite active n’était pas défavorable à l’étude. Placé en dehors dn mouvement de la politique, l’Économiste jugeait en spectateur impartial, mais non pas indiffèrent, les fautes de l’empire, le système continental, le commerce par licences, et ces nombreuses mesures que dictaient souvent la colère et l’ignorance des vérités économiques. Les droits de douane sur le coton avaient été élevés à un Uui absurde, et la difficulté des communications ajoutait au prix excessif de cette matière première. Jean-Baptiste Say prévoyait la chute très prochaine d’un système aussi contraire au véritable intérêt des peuples ; il craignait la perte qui devait, dans ce cas, résulter pour les manufacturiers d’un brusque changement dans le prix des marchandises, et, à la suite de quelques dissentiments à ce sujet avec son associé, il prit le parti de se retirer en réalisant un modeste capital. 11 revint à Paris avec sa famille en I8U, et 1rs événements ne justifièrent que trop tôt et trop sévèrement pour la France les prévisions du philosophe.

Le régime qui suivit ces événements permit I : réimpression du Traité d’Économie polttujut. M. Say reçut du gouvernement la mission de lisiter l’Angleterre pour en étudier l’état économique et en rapporter des informations d’une utilité pratique. Cette exploration lui fut rendue facile par la connaissance qu’il avait de la langue anglaise, par sa propre expérience comme manufacturier et par l’accueil que lui réservait sa réputation. Reçu avec empressement par les Économistes, particulièrement par Ricard», parBenlham, par les professeurs des universités d’Anuleterreei d’Écosse, il fit un voyage des plus instructifs et dont il devait conserver d’heureux souvenirs. A Glascow, on lui avait demandé de s’asseoir dans la chaire où professait Adam Smith, et ce n’est pas sans émotion qu’il racontait un jour à ses auditeurs du Conservatoire des arts et métiers al épisode de son voyage. C’est à la suite de celle mission qu’il publia l’écrit intitulé : t>> l’An- ; ’.-.terre et des Anglais, qui eut deux éditions.

En 1815, J.-B. Sav ouvrit à l’Athénée un cours d’Économie politique. On s’y porta eu foule, etle succès fut complet. Les leçons manuscrites de ce cours ont été conservées ; l’exposition des principes de la science y est rendue attrayante par des applications familières et bien choisies, et il serait facile d’en faire un excellent traité élémentaire.

Le professeur, encouragé par l’accueil qui lui était lait, redoubla d’ell’orts pour propager des doctrines qu’il regardait comme si importante : pour l’avenir des peuples ; il lui parut uule de ré-

> La résidence de Jean-Baptiste Say en Artoi* »’• point été oubliée dans la coulrée. L’Académie d’Arnu vient de meure son éloge nu concours pour 1S53, es recommandant par son programme d’indiqurr Influence (pie le sejuur du célèbre Ecutiuaii»te à Auto}, cl sa coopération uux travaux manufacturier», ont eu : sur les incuries qu’il u développée*.