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des églises du désert.

de prudence durent puissamment contribuer à hâter ces résultats. On croit aussi démêler, dans les circonstances des travaux des ministres de cette époque, les causes toutes populaires, qui portaient les protestants d’alors à montrer cette faim dévorante d’un culte dont l’exercice les exposait à tant de tracasseries et de dangers. L’imagination de ces mêmes populations, qui avaient vu la guerre civile encore récente et tous les restes de l’ancien esprit camisard, devait trouver à la fois un aliment et un triomphe dans ces assemblées solitaires, ces exercices aux flambeaux, ces inquiétudes d’espions à l’affût, ces convocations secrètes, ces communions rares et dangereuses, ces baptêmes et ces mariages tardivement célébrés par les ministres au détriment des prêtres, ces adhésions de frères plus timides qui se ralliaient à la vieille cause, ces chants de psaumes par lesquels les bandes se reconnaissaient et s’appelaient de loin ; enfin, dans la vue de ces détachements qui battaient le pays, et dont chaque traînard isolé s’enfuyait épouvanté devant les réunions. On connaissait aussi le zèle de quelques curés toujours vigilants pour éclairer les retraites des huguenots. On aimait tous les accidents d’une vie religieuse dont les actes se passaient au milieu de dangers sans cesse renaissants, souvent au milieu du silence des nuits ainsi que du fracas des orages. Alors on croit comprendre la puissance des ministres sur les populations, les actes de respect et d’affection touchante, qui signalaient l’arrivée des pasteurs proscrits bravant des lois cruelles pour consoler des proscrits comme eux. Toutes ces précautions, tout ce mystère, cette poésie de foi et de souvenirs expliquent pleinement la perpétuité d’un culte, exercé par des ministres chéris, au sein de popula-