Page:Coquerel - Histoire des églises du désert, Tome 1.djvu/72

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
58
histoire.

sur les galères de Sa Majesté, pour y servir comme forçats durant toute leur vie (Fait à Versailles, le 12 mars 1689. Signé Letellier). Cette ordonnance acquit un triste renom, parce qu’elle dérogea à la juridiction des sièges prévotaux et sénéchalleries avec appels aux parlements, et que pour la première fois elle attribua le jugement des religionnaires aux gouverneurs de province et aux intendants, procédure sommaire que nous verrons souvent appliquer. Arrêtons-nous un moment à cet endroit de cette déplorable série de lois, pour remarquer que, lorsque Louis XIV signa cette mesure où sont prodigués les galères et la mort, il venait d’assister (janvier 1689) aux représentations de Saint-Cyr où Esther et Mardochée plaignaient les proscriptions des Juifs, dans les vers immortels de Racine ; sans doute tous ces admirables conseils du vieillard israélite rehaussés par la beauté de Mme  de Caylus, ou ne furent point compris par le monarque, ou furent réfutés par les jésuites de son confessionnal. Pour compléter cette trop longue série, il nous reste à signaler la dernière loi de Louis XIV, laquelle eut des suites aussi funestes que fécondes, parce qu’elle admettait que tous les Français sans exception, qui se trouvaient dans le royaume, étaient par cela même censés « avoir embrassé la religion catholique, apostolique et romaine, sans quoi ils n’y auraient pas été soufferts ni tolérés. » Cette loi, se combinant avec celle du 29 avril 1686, ordonne que tous sujets nés de parents qui ont été de la religion prétendue réformée, avant ou depuis la révocation de l’édit de Nantes, et qui, dans leurs maladies, auront refusé aux curés, vicaires ou autres, de recevoir les sacrements, et auront déclaré qu’ils veulent persister ou mourir dans la religion préten-