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auſſi ſuſceptible que communément on le croit.

Je lui rendis compte un jour de la rencontre que j’avois faite de M. Dutems, anglais, homme de mérite & très-eſtimable, qui ſouvent m’avoit vu chez lui, mais qui s’en étoit retiré. Il m’a demandé, lui dis-je, ſi je vous voyois toujours. Je vous avoue que ce mot toujours m’a bleſſé. Ma réponse a été ſimple : n’allant chez M. Rouſſeau que par attachement pour ſa perſonne, je ne ſais pas pourquoi, le voyant aujourd’hui, je ne le verrois pas toujours. Il connoît mon reſpect pour lui, mon attachement lui garantit l’eſprit de mes viſites, je le verrai donc toujours. Ce mot, ajoutai-je, m’a cependant donné matière à réflexion. Je ſuis confiant, &, par cela même, peu attentif aux formes. Il ſeroit poſſible qu’avec cette négligence ſur moi-même, je vous donnaſſe l’occasion de concevoir quelquefois des ſoupçons qui auroient quelqu’apparence de réalité. Je ne puis vous promettre de me changer ſur ce point ; mais pour en éviter les effets, ſi vous voulez me promettre de ne jamais garder ſur le cœur les idées de ce genre que je pourrai faire naître, & de ne point les laiſſer fermenter dans votre eſprit ; enfin, ſi vous voulez m’en faire part ſur-le-champ, je m’en-