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Je ne parlerai donc ni de la gaîté de pluſieurs de nos petits repas, ni de traits iſolés de nos çonverſations ; je me borne à un ſeul fait.

Tous mes lecteurs ont entendu parler de l’abominable aventure dont il a été ſi cruellement la victime à la butte de Meſnil Montant. Il fut rencontré par le chien danois de M. de Saint-Fargeau, qui, voulant rejoindre le carroſſe de ſon maître, avoit dans ſa courſe la viteſſe d’une balle de fuſil. Il paſſe entre les jambes du malheureux Rouſſeau, qui tomba le viſage sur le pavé, ſans avoir eu le temps de ſe garantir avec ſes mains. La chûte fut d’autant plus malheureuſe, qu’il deſcendoit la butte, & conſéquemment qu’il tomba de plus que de ſa hauteur. Je cours chez lui le lendemain matin. En entrant, je fus ſaiſi d’une odeur de fièvre véritablement effrayante. Il étoit dans ſon lit. Je l’aborde ; jamais ſa figure ne ſortira de ma mémoire. Outre l’enflure de toutes les parties de ſon viſage, qui, comme l’on ſait, en change ſi fort le caractère, il avoit fait coller de petites bandes de papier ſur les bleſſures de ſes lèvres ; ces bleſſures étoient en long, de façon que, ces bandes alloient du nez au menton. Mon effroi fut proportionné à l’hor-