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Mes lecteurs verront, je l’eſpère, que je ne ſuis bien réellement que ce que je veux être, hiſtorien fidèle. Ce mot, qui pouvoit me bleſſer, l’avouerai-je ? me fit un bien infini. Je vis Rouſſeau tel que j’aurois voulu qu’il fût toujours.

Le lendemain du jour où Voltaire fut couronné au théâtre Français, ce jour précédoit de bien près le dernier de ces deux grands hommes, un de ces perſonnages qui ont le ſecret de ſe gliſſer par-tout, croyant, ſans doute lui faire la cour, lui en rendit compte devant moi, & ſe permit, ſur ce couronnement, des plaiſanteries telles qu’on peut ſe les figurer de ce genre de perſonnage. Comment, dit Rouſſeau avec chaleur, on ſe permet de blâmer les honneurs rendus à Voltaire dans le temple dont il eſt le dieu, & par les prêtres qui, depuis cinquante ans, y vivent de ſes chef-d’œuvres ; qui voulez-vous donc qui y soit couronné ? Ce trait n’a pas beſoin de rapprochement pour être ſenti.

J’ajouterai que juste envers ſes ennemis, il étoit de la plus grande indulgence pour tous les écrivains ; il me répétoit souvent qu’il ne falloit s’arrêter que ſur ce que l’on trouvoit de bon dans un livre. Si l’auteur vous a donné deux pages ſeulement dans leſquelles vous