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eſt peut-être un bien ; mais obſervez qu’il étoit généralement haï : ſans le mériter, comme lui, j’ai le même ſort. La haine univerſelle ſe partageoit entre nous deux, je reſte ſeul ; je vais donc ſeul en ſupporter le poids. J’ai vu des gens aſſez en délire eux-mêmes pour voir de l’orgueil dans cette folle ſaillie ; bientôt je leur en démontrerai la ſource.

Je terminerai cette pénible révélation au ſeul trait suivant ; les deux ſuffiront pour conſtater, d’une manière poſitive, l’état déplorable dans lequel il étoit tombé. À mon arrivée, il prend l’attitude que j’ai décrite précédemment. Savez-vous, me dit-il, pourquoi je donne au Taſſe une préférence ſi marquée ? Non, lui dis-je, mais je m’en doute. Le Taſſe réunifiant à l’imagination la plus féconde & à la richeſſe de la poéſie la plus brillante, l’avantage d’être venu après Homère & Virgile, a profité des beautés de l’un & de l’autre de ces deux grands hommes, comme il en a évité les défauts. Il y a bien quelque choſe de cela, me répondit-il, mais ſâchez qu’il a prédit mes malheurs. (Lecteurs, comme vous pouvez le remarquer, toujours des malheurs.) Je fis un mouvement, il m’arrêta. Je vous entends,