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UN RICHE EN BRETAGNE


O fortunatos nimium, sua si
Virgile.



Cest le bon riche, c’est un vieux pauvre en Bretagne,
Oui, pouilleux de pavé sans eau pure et sans ciel !
— Lui, c’est un philosophe-errant dans la campagne ;
Il aime son pain noir sec — pas beurré de fiel…
S’il n’en a pas : bonsoir. — Il connaît une crèche
Où la vache lui prête un peu de paille fraîche,
Il s’endort, rêvassant planche-à-pain au milieu,
Et s’éveille au matin en bayant au Bon-Dieu.
Panem nostrum… — Sa faim a le goût d’espérance…
Un Benedicite s’exhale de sa panse ;
Il sait bien que pour lui l’œil d’en haut est ouvert
Dans ce coin d’où tomba la manne du désert
Et le pain de son sac…
Et le pain de son sac…Il va de ferme en ferme.
Et jamais à son pas la porte ne se ferme,
— Car sa venue est bien. — Il entre à la maison
Pour allumer sa pipe en soufflant un tison…