Page:Corbière - Les Amours jaunes, 1926.djvu/33

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  Eh bien, tous ces marins — matelots, capitaines,
  Dans leur grand Océan à jamais engloutis,
  Partis insoucieux pour leurs courses lointaines,
  Sont morts — absolument comme ils étaient partis…

  Pas de fond de six pieds, ni rats de cimetière.
  Eux ils vont aux requins ! L’âme d’un matelot,
  Au lieu de suinter dans vos pommes de terre,
             Respire à chaque flot…

Ecoutez, écoutez la tourmente qui beugle !…
C’est leur anniversaire. Il revient bien souvent.
Ô poète, gardez pour vous vos chants d’aveugle ;
— Eux : le De profundis que leur corne le vent.

… Qu’ils roulent infinis dans les espaces vierges !
             Qu’ils roulent verts et nus,
Sans clous et sans sapin, sans couvercle, sans cierges…
— Laissez-les donc rouler, terriens parvenus !…

L’apostrophe est belle assurément. Je ne jurerais point que toute rhétorique en soit absente et je n’oserais point jurer le contraire non plus. Où commence la rhétorique et où finit-elle ? Et, chez Corbière, le sentiment de la mer était si profond ! Il avait vraiment pour elle des tendresses et presque une jalousie d’amant ; il veillait sur elle comme sur son bien. Passion trop explicable ! N’était-ce pas à la mer qu’il devait ses seules satisfactions d’amour-propre ? Ce pauvre déchet d’humanité, qui traînait sur la terre ferme avec des