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Page:Cordier - Stendhal raconté par ses amis et ses amies, 1893.djvu/43

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II

Un critique abondant, après avoir dit que Stendhal n’était qu’une moitié d’écrivain, a osé insinuer qu’auprès des femmes, il était encore moins qu’une moitié d’homme, un timide « pour causes ». Partant de cette maladie de nos jours qui consiste à chercher l’homme dans l’œuvre, le brave Francisque a donné à penser que Beyle s’était peint lui même dans l’Olivier d’Armance, un babylant, comme entre intimes, Stendhal, Mérimée et Musset désignaient l’impuissant. Les extraits de cette correspondance nous donnent une toute autre idée de notre personnage, et du coup tombe l’une des hypothèses qu’on avait soulevées à l’endroit du pauvre homme.

Ce n’est pas que nous attachions une importance plus grande qu’elle ne mérite à ce détail ; mais nous nous appuyons sur cette misérable preuve pour donner à comprendre combien, à défaut de documents, on a généralement peu connu Stendhal. Il est bon de rétablir les faits et d’arrêter à temps la légende.

Ainsi donc : gros, volage, passablement robuste, libertin, cruel et pourtant gracieux et tendre, exaspérant mais plein d’irrésistibles séductions, voilà comment Stendhal nous apparaît ici sortant du linceul plus que demi séculaire des lettres de cette femme, une honeste dame, à la Brantôme.

La seconde correspondante ne modifiera que peu cette impression. Infiniment plus littéraire et éthérée que sa devancière, avec un esprit et une élévation supérieurs, celle-ci complétera de profil le portrait que nous avons vu de face… un peu grossière. La ligne sera plus pure, mais non moins précise. Dans ces traits gravés par une intelligence des plus affinées, sachant voir, malgré les verres grossissants d’une passion à peine contenue, nous trouvons tous les contours d’une figure qui n’est guère autre en 1836 qu’elle n’était en remontant à dix ans en arrière.