Page:Corne - La Vie et les Œuvres de Madame Desbordes-Valmore, 1876.pdf/78

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
76
LA VIE ET LES ŒUVRES

Et vous, enveloppés de pavots frais et purs,
Vous laissez votre vie à ma garde attentive.
· · · · · · · · · · · · · · · · · ·
Il faut partir. Ce toit qu’il fut doux d’habiter,
Qui nous couvrit l’hiver, il faut donc le quitter !
Toujours quelque lien se rompra dans l’absence.
Je suis comme le lierre arraché malgré lui ;
J’aimai si longtemps la présence
De ce que je quitte aujourd’hui !
Quoi ! toujours effleurer des rives orageuses !
Quoi ! poursuivre sans cesse un fuyant horizon !
Qui n’a quelque pitié des brebis voyageuses
Laissant à chaque haie un peu de leur toison !
Oh ! que de fils brisés dans ma trame affaiblie !
Que d’adieux recelés dans le fond de mon cœur !
Déjà, je sais déjà comment fuit le bonheur,
Je ne sais pas comme on l’oublie.

Aux coteaux de Lormont j’avais légué ma cendre.
Lormont n’a pas voulu d’un fardeau și léger ;
Son ombre est dédaigneuse au malheur étranger,
Dans la barque incertaine il faut donc redescendre !
Venez, chers Alcyons, pressez-vous sur mon cœur,
Jetez un tendre adieu vers la rive sonore ;
Je le sens, quelque vœu nous y rappelle encore,
Quelque regard nous suit plein d’un trouble rêveur.
Adieu… Ma voix s’altère, et tremble dans les larmes.
Enfants, jetez vos voix sur l’aile des zéphirs ;
Dites que j’ai pleuré, dites que mes soupirs
Retourneront souvent à ces bords pleins de charmes.
Là de quatre printemps j’ai respiré les fleurs.
Ainsi partout des biens, ainsi partout des pleurs !
· · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ·

En 1860, un an après la mort de madame Desbordes-Valmore, un volume de ses poésies inédites paraissait à Genève. Au milieu des plus pénibles sou-