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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 1.djvu/177

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DU POËME DRAMATIQUE.

je ne suis point jaloux qu’un autre l’entende à la sienne. Le commentaire dont je m’y sers le plus est l’expérience du théâtre et les réflexions sur ce que j’ai vu y plaire ou déplaire. J’ai pris pour m’expliquer un style simple, et me contente d’une expression nue de mes opinions, bonnes ou mauvaises, sans y rechercher aucun enrichissement d’éloquence. Il me suffit de me faire entendre ; je ne prétends pas qu’on admire ici ma façon d’écrire, et ne fais point de scrupule de m’y servir[1] souvent des mêmes termes, ne fût-ce que pour épargner le temps d’en chercher d’autres, dont peut-être la variété ne diroit pas si justement ce que je veux dire. J’ajoute à ces trois Discours généraux l’examen de chacun de mes poëmes en particulier, afin de voir en quoi ils s’écartent ou se conforment aux règles que j’établis. Je n’en dissimulerai point les défauts, et en revanche je me donnerai la liberté de remarquer ce que j’y trouverai de moins imparfait. Balzac[2] accorde ce privilège à une certaine espèce de gens, et soutient qu’ils peuvent dire d’eux-mêmes par franchise ce que d’autres diroient par vanité. Je ne sais si j’en suis ; mais je veux avoir assez bonne opinion de moi pour n’en désespérer pas.


  1. Var. (édit. de 1660) : de me servir.
  2. Var. (édit. de 1660-1664) : Monsieur de Balzac. — Quand les Discours parurent pour la première fois, en 1660, il n’y avait que cinq ans que Balzac était mort.