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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 1.djvu/193

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DE LA TRAGÉDIE.

connoît ou ne le connoît pas[1], et s’il achève, ou n’achève pas. La diverse combination[2] de ces deux manières d’agir forme quatre sortes de tragédies, à qui notre philosophe attribue divers degrés de perfection. On connoît celui qu’on veut perdre, et on le fait périr en effet, comme Médée tue ses enfants, Clytemnestre son mari, Oreste sa mère ; et la moindre espèce est celle-là. On le fait périr sans le connoître, et on le reconnoît avec déplaisir après l’avoir perdu ; et cela, dit-il, ou avant la tragédie, comme Œdipe, ou dans la tragédie, comme l’Alcméon d’Astydamas, et Télégonus dans Ulysse blessé[3], qui sont deux pièces que le temps n’a pas laissé venir jusqu’à nous ; et cette seconde espèce a quelque chose de plus élevé, selon lui, que la première. La troisième est dans le haut degré d’excellence, quand on est prêt de faire périr un de ses proches sans le connoître, et qu’on le reconnoît assez tôt pour le sauver, comme Iphigénie reconnoît Oreste pour son frère, lorsqu’elle devoit le sacrifier à Diane, et s’enfuit avec lui[4]. Il en cite encore deux autres exemples, de Mérope dans Cresphonte, et de Hellé, dont nous ne

  1. Var. (édit. de 1663) : le connoît ou ne connoît pas
  2. Combination, combinaison, Voyez le Lexique.
  3. ῎Εστι μὲν γὰρ οὕτω γίνεσΘαι τὴν πρᾶξιν ὥσπερ οἱ παλαιοὶ ἐποίουν, εἰδότας καὶ γινώσκοντας, καθάπερ καὶ Εὐριπίδης ἐποίησεν ἀποκτείνουσαν τοὺς παῖδας τὴν Μήδειαν ἔστι δὲ πρᾶξαι μὲν, ἀγνοοῦντας δὲ πρᾶξαι τὸ δεινὸν, εἶθ’ ὕστερον ἀναγνωρίσαι τὴν φιλίαν, ὥσπερ ὁ Σοφοκλέους Οδίπους. Τοῦτο μὲν ον ἔξω τοῦ δράματος. ᾽Εν δ’ αὐτῆ τῇ τραῳγδία, οἷον ὁ ᾽Αλκμαιων ὁ ᾽Αστυδάμαντος, ἢ ὁ Τηλέγονος ὁ ἐν τῷ Τραυματία ᾽Οδυσσεῖ. (Aristote, Poétique, chap. xiv, 6.) — Un passage d’Athénée {liv. XIII, p. 562) nous apprend que cette tragédie d’Ulysse blessé est de Chérémon.
  4. ῎Ετι δὲ τρίτον παρὰ ταῦτα τὸν μέλλοντα ποιεῖν τι τῶν ἀνηκέστων δι’ ἅγνοιαν, ἀναγνωρίσαι πρὶν ποιῆσαι… λέγω δὲ οἷον ἐν τῷ Κρεσφότῃ ἡ Μερόπη μέλλει τὸν υἱόν ἀποκτείνειν, ἀποκτείνει δὲ οὒ, ἀλλ’ ἀνεγνώρισε, καὶ ἐν τῇ ᾽Ιφιγνείᾳ ᾑ ἀδελφὴ τν ἀδελφὸν, καὶ ἐν τῇ ῞Ελλ ὁ υἱόσ τὴν μητέρα ἐκδιδόναι μέλλων ἀνεγνώρισε. (Aristote, Poétique, chap. xiv, 7.) — Il n’est pas besoin de dire qu’il s’agit ici de l’Iphigénie en Tauride d’Eu-