Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 1.djvu/200

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Qu’un homme prenne querelle avec un autre, et que l’ayant tué il vienne à le reconnaître pour son père ou pour son frère, et en tombe au désespoir, cela n’a rien que de vraisemblable, et par conséquent on le peut inventer ; mais d’ailleurs cette circonstance de tuer son père ou son frère sans le connaître, est si extraordinaire et si éclatante, qu’on a quelque droit de dire que l’histoire n’ose manquer à s’en souvenir, quand elle arrive entre des personnes illustres, et de refuser toute croyance à de tels événements, quand elle ne les marque point. Le théâtre ancien ne nous en fournit aucun exemple qu’Oedipe ; et je ne me souviens point d’en avoir vu aucun autre chez nos historiens. Je sais que cet événement sent plus la fable que l’histoire, et que par conséquent il peut avoir été inventé, ou en tout, ou en partie ; mais la fable et l’histoire de l’antiquité sont si mêlées ensemble, que pour n’être pas en péril d’en faire un faux discernement, nous leur donnons une égale autorité sur nos théâtres. Il suffit que nous n’inventions pas ce qui de soi n’est point vraisemblable, et qu’étant inventé de longue main, il soit devenu si bien de la connaissance de l’auditeur, qu’il ne s’effarouche point à le voir sur la scène. Toute la Métamorphose d’Ovide est manifestement d’invention ; on peut en tirer des sujets de tragédie, mais non pas inventer sur ce modèle, si ce n’