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DISCOURS

diminue la satisfaction qu’il en doit recevoir. Ainsi je serois d’avis que le poëte prît grand soin de marquer à la marge[1] les menues actions qui ne méritent pas qu’il en charge ses vers, et qui leur ôteroient même quelque chose de leur dignité, s’il se ravaloit à les exprimer. Le comédien y supplée aisément sur le théâtre ; mais sur le livre on seroit assez souvent réduit à deviner, et quelquefois même on pourroit deviner mal, à moins que d’être instruit par là de ces petites choses. J’avoue que ce n’est pas l’usage des anciens ; mais il faut m’avouer aussi que faute de l’avoir pratiqué, ils nous laissent beaucoup d’obscurités dans leurs poëmes, qu’il n’y a que les maîtres de l’art qui puissent développer ; encore ne sais-je s’ils en viennent à bout toutes les fois qu’ils se l’imaginent. Si nous nous assujettissions à suivre entièrement leur méthode, il ne faudroit mettre aucune distinction d’actes ni de scènes, non plus que les Grecs. Ce manque est souvent cause que je ne sais combien il y a d’actes dans leurs pièces, ni si à la fin d’un acte un acteur se retire pour laisser chanter le chœur, ou s’il demeure sans action cependant qu’il chante, parce que ni eux ni leurs interprètes n’ont daigné nous en donner un mot d’avis à la marge[2].

Nous avons encore une autre raison particulière de ne pas négliger ce petit secours comme ils ont fait : c’est que l’impression met nos pièces entre les mains des comédiens qui courent les provinces[3], que nous ne pou-

  1. Ces indications se trouvent effectivement imprimées à la marge dans la plupart des premières éditions des pièces séparées et dans l’édition in-folio du Théâtre de Corneille (1663).
  2. En général Corneille a plus développé ces indications de mise en scène dans la première édition de chacune de ses pièces que dans les réimpressions qu’il en a faites.
  3. Var. (édit. de 1660) : des comédiens des provinces.