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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 1.djvu/254

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MÉLITE.

dit plusieurs fois qu’il lui étoit redevable de plusieurs endroits de ses premières pièces[1]. »

Je n’ai pu me procurer aucune espèce de renseignement sur Mme du Pont ; mais j’ai appris, de M. Charles de Beaurepaire, que Thomas du Pont, correcteur en la chambre des comptes de Normandie, figure dans les registres de la cour depuis 1600 jusqu’à 1666 inclusivement, ce qui fait supposer que le père et le fils, portant tous deux le même prénom, ont tour à tour occupé cette charge.

Sans oser être aussi affirmatif que M. Geruzez, qui dit en parlant de Mlle Milet : « Il est certain que la dame de ses pensées devint la femme d’un autre sous le nom de Mme du Pont[2], » je serais assez porté à croire, malgré quelques contradictions apparentes, que les deux rivales sont en réalité une seule et même personne. L’abbé Granet ne s’élève point contre l’anecdote relative à Mélite, et les détails nouveaux qu’il donne ne la contredisent pas absolument. Serait-il impossible que Corneille, après avoir connu Mlle Milet toute petite fille, pendant qu’il était encore au collège, l’eût ensuite perdue de vue, qu’il lui eût été présenté par un jeune homme qui lui faisait la cour, que le souvenir de leur amitié d’enfance eût éveillé un sentiment plus tendre, et que malgré cela Mlle Milet fût devenue quelques années plus tard la femme de Thomas du Pont ?

À en croire un des adversaires de Corneille, notre poëte aurait commis un plagiat dès son premier ouvrage, mais l’accusation est entièrement dépourvue de preuves. On lit dans la Lettre du sieur Claveret à Monsieur de Corneille : « À la vérité ceux qui considèrent bien votre Veuve, votre Galerie du Palais, le Clitandre et la fin de la Mélite, c’est-à-dire la frénésie d’Éraste, que tout le monde avoue franchement être de votre invention, et qui verront le peu de rapport que ces badineries ont avec ce que vous avez dérobé, jugeront sans doute que le commencement de la Mélite, et la fourbe des fausses lettres qui est assez passable, n’est pas une pièce de votre invention. Aussi l’on commence à voir clair en cette affaire et à découvrir l’en-

  1. Œuvres diverses, 1738, p. 144.
  2. Théâtre choisi de Corneille, Paris, Hachette, 1848, in-12, p. iv.