Aller au contenu

Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 1.djvu/384

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
258
CLITANDRE.

sur ces petites pièces de vers, que nous réimprimerons en tête des Poésies diverses ; nous nous contenterons de reproduire la phrase suivante de l’Avis au lecteur dont elles sont précédées : « Je ne crois pas cette tragi-comédie si mauvaise que je me tienne obligé de te récompenser par trois ou quatre bons sonnets. » Si l’on rapproche de ce passage la préface de Clitandre, et si l’on considère que Corneille le publia avant Mélite, on se convaincra qu’il ne lui déplaisait point quand il parut. Plus tard le poëte, parvenu à la maturité de son génie, changea d’opinion. Lorsqu’il écrit dans l’Examen de Clitandre : « Pour la justifier (Mélite) contre cette censure par une espèce de bravade… j’entrepris d’en faire une (une pièce) régulière, c’est-à-dire dans les vingt et quatre heures, pleine d’incidents et d’un style plus élevé, mais qui ne vaudroit rien du tout : en quoi je réussis parfaitement, » il est clair qu’il cherche un biais qui lui permette de ne point traiter d’une manière sérieuse une pièce qui lui semblait alors indigne de lui.

En 1644 le sous-titre (ou l'Innocence délivrée) disparut, et en 1660 cette pièce reçut le nom de tragédie au lieu de celui de tragi-comédie qu’elle avait porté jusqu’alors.

On n’a pas de renseignements précis sur le théâtre où furent jouées les pièces que nous allons passer en revue ; mais tout porte à croire que Corneille, reconnaissant envers le directeur qui avait si favorablement accueilli Mélite, les donna toutes à la troupe de Mondory qui eut, nous le savons, la gloire de jouer le Cid. Ce qui doit nous confirmer dans cette opinion, c’est que, même après la retraite de Mondory et le départ de Baron, de la Villiers et de Jodelet pour l’hôtel de Bourgogne, Corneille conservait, à l’égard du théâtre du Marais, une prédilection très-marquée. Tallemant des Réaux la constate, en l’attribuant, comme c’est assez sa coutume, à un motif peu honorable : « D’Orgemont et Floridor, avec la Beaupré, soutinrent, dit-il, la troupe du Marais, à laquelle Corneille, par politique, car c’est un grand avare, donnoit ses pièces ; car il vouloit qu’il y eût deux troupes. » (Historiettes t. VII, p. 174.) Le cardinal de Richelieu avait dessein de réunir les deux troupes en une seule.