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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 1.djvu/399

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EXAMEN.

sion pour lui, et un soin de régler ceux des autres sans aucun péril pour son État ; mais pour voir les trois manières ensemble, on les peut aucunement remarquer dans les deux gouverneurs d’Arménie et de Syrie, que j’ai introduits, l’un dans Polyeucte et l’autre dans Théodore. Je dis aucunement, parce que la tendresse que l’un a pour son gendre, et l’autre pour son fils, qui est ce qui les fait paroître comme hommes, agit si foiblement, qu’elle semble étouffée sous le soin qu’a l’un et l’autre de conserver sa dignité, dont ils font tous deux leur capital[1] ; et qu’ainsi on peut dire en rigueur qu’ils ne paroissent que comme gouverneurs qui craignent de se perdre, et comme juges qui par cette crainte dominante condamnent ou plutôt s’immolent ce qu’ils voudroient conserver.

Les monologues[2] sont trop longs et trop fréquents en cette pièce ; c’étoit une beauté en ce temps-là : les comédiens les souhaitoient, et croyoient y paroître avec plus d’avantage. La mode a si bien changé, que la plupart de mes derniers ouvrages n’en ont aucun ; et vous n’en trouverez point dans Pompée, la Suite du Menteur, Théodore et Pertharite[3], ni dans Héraclius, Andromède, Œdipe et la Toison d’or, à la réserve des stances.

Pour le lieu, il a encore plus d’étendue, ou, si vous voulez souffrir ce mot, plus de libertinage ici que dans Mélite : il comprend un château d’un roi avec une forêt voisine, comme pourroit être celui de Saint-Germain, et est bien éloigné de l’exactitude que les sévères critiques y demandent.


  1. Capital, substantivement, affaire principale, principal intérêt.
  2. Var. (édit. de 1660-1664) : monoloques.
  3. Var. (édit. de 1660) : Théodore, Nicomède et Pertharite. — Corneille avait d’abord compris Nicomède dans cette énumération, parce qu’il oubliait le court monologue qui termine le IVe acte.