Aller au contenu

Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 1.djvu/407

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
281
ACTE I, SCÈNE IV.

Scène IV.

CALISTE, DORISE.
CALISTE.

Je n’en puis plus douter, mon feu désabusé[1]
Ne tient plus le parti de ce cœur déguisé.
105Allons, ma chère sœur, allons à la vengeance ;
Allons de ses douceurs tirer quelque allégeance ;
Allons, et sans te mettre en peine de m’aider,
Ne prends aucun souci que de me regarder.
Pour en venir à bout, il suffit de ma rage ;
110D’elle j’aurai la force ainsi que le courage ;
Et déjà dépouillant tout naturel humain,
Je laisse à ses transports à gouverner ma main.
Vois-tu comme suivant de si furieux guides
Elle cherche déjà les yeux de ces perfides,
115Et comme de fureur tous mes sens animés
Menacent les appas qui les avoient charmés ?

DORISE.

Modère ces bouillons d’une âme colérée,
Ils sont trop violents pour être de durée ;
Pour faire quelque mal, c’est frapper de trop loin.
120Réserve ton courroux tout entier au besoin ;
Sa plus forte chaleur se dissipe en paroles,
Ses résolutions en deviennent plus molles :
En lui donnant de l’air, son ardeur s’alentit.

CALISTE.

Ce n’est que faute d’air que le feu s’amortit[2].
125Allons, et tu verras qu’ainsi le mien s’allume,
Que ma douleur aigrie en a plus d’amertume[3],

  1. En marge, dans l’édition de 1632 : Dorise entre.
  2. Var. Mais c’est à faute d’air que le feu s’amortit. (1632-57)
  3. Var. Que par là ma douleur accroît son amertume. (1632-57)