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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 1.djvu/470

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CLITANDRE.

1195Tous, dans cette prison, dont je porte les clés[1],
Se disent comme vous du malheur accablés[2],
Et la justice à tous est injuste de sorte
Que la pitié me doit leur faire ouvrir la porte ;
Mais je me tiens toujours ferme dans mon devoir :
1200Soyez coupable ou non, je n’en veux rien savoir ;
Le Roi, quoi qu’il en soit, vous a mis en ma garde :
Il me suffit : le reste en rien ne me regarde[3].

CLITANDRE.

Tu juges mes desseins autres qu’ils ne sont pas.
Je tiens l’éloignement pire que le trépas.
1205Et la terre n’a point de si douce province
Où le jour m’agréât loin des yeux de mon Prince.
Hélas ! si tu voulois l’envoyer avertir[4]
Du péril dont sans lui je ne saurois sortir,
Ou qu’il lui fût porté de ma part une lettre,
1210De la sienne en ce cas je t’ose bien promettre
Que son retour soudain des plus riches te rend :
Que cet anneau t’en serve et d’arrhe et de garant ;
Tends la main et l’esprit vers un bonheur si proche.

LE GEÔLIER.

Monsieur, jusqu’à présent j’ai vécu sans reproche,
1215Et pour me suborner promesses ni présents
N’ont et n’auront jamais de charmes suffisants.
C’est de quoi je vous donne une entière assurance :
Perdez-en le dessein avecque l’espérance :
Et puisque vous dressez des piéges à ma foi.
1220Adieu, ce lieu devient trop dangereux pour moi[5].

  1. Var. Tous, dedans ces cachots, dont je porte les clés. (1632-57)
  2. Var. Se disent comme vous de malheur accablés. (1632)
  3. Var. Il suffit : le surplus en rien ne me regarde. (1632)
  4. Var. Hélas ! si tu voulois envoyer l’avertir. (1632)
  5. En marge, dans l’édition de 1632 : Il sort. — n’y a pas de distinction de scène.