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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 1.djvu/553

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ACTE II, SCÈNE III.

Flatter de nos discours les passions des dames[1],
C’est aider lâchement à leurs naissantes flammes ;
C’est traiter lourdement un délicat effet ;
C’est n’y savoir enfin que ce que chacun sait[2] :
535Moi, qui de ce métier ai la haute science,
Et qui pour te servir brûle d’impatience,
Par un chemin plus court qu’un propos complaisant,
J’ai su croître sa flamme en la contredisant ;
J’ai su faire éclater, mais avec violence[3],
540Un amour étouffé sous un honteux silence,
Et n’ai pas tant choqué que piqué ses désirs,
Dont la soif irritée avance tes plaisirs.

PHILISTE.

À croire ton babil, la ruse est merveilleuse[4] ;
Mais l’épreuve, à mon goût, en est fort périlleuse.

LA NOURRICE.

545Jamais il ne s’est vu de tours plus assurés.
La raison et l’amour sont ennemis jurés ;
Et lorsque ce dernier dans un esprit commande,
Il ne peut endurer que l’autre le gourmande :
Plus la raison l’attaque, et plus il se roidit ;
550Plus elle l’intimide, et plus il s’enhardit.
Je le dis sans besoin, vos yeux et vos oreilles[5]
Sont de trop bons témoins de toutes ces merveilles :
Vous-même avez tout vu, que voulez-vous de plus ?
Entrez, on vous attend ; ces discours superflus
555Reculent votre bien, et font languir Clarice.
Allez, allez cueillir les fruits de mon service :
Usez bien de votre heur et de l’occasion.

  1. Var. Flatter de vos discours les passions des dames. (1660)
  2. Var. C’est n’y savoir enfin que ce qu’un chacun sait. (1654)
  3. Var. J’ai su faire éclater avecque violence. (1634-57)
  4. Var. Qui croira ton babil, la ruse est merveilleuse. (1634-57)
  5. Var. Mais je vous parle en vain, vos yeux et vos oreilles
    Vous sont de bons témoins de toutes ces merveilles. (1634-57)