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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 1.djvu/564

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LA VEUVE.
LA NOURRICE.

760Je te puis en tenir la fausse porte ouverte[1].
Aurois-tu du courage assez pour l’enlever ?

ALCIDON.

Oui, mais il faut retraite après où me sauver[2] ;
Et je n’ai point d’ami si peu jaloux de gloire
Que d’être partisan d’une action si noire.
765Si j’avois un prétexte, alors je ne dis pas
Que quelqu’un abusé n’accompagnât mes pas.

LA NOURRICE.

On te vole Doris, et ta feinte colère[3]
Manqueroit de prétexte à quereller son frère !
Fais-en sonner partout un faux ressentiment :
770Tu verras trop d’amis s’offrir aveuglément,
Se prendre à ces dehors, et sans voir dans ton âme,
Vouloir venger l’affront qu’aura reçu ta flamme.
Sers-toi de leur erreur, et dupe-les si bien…

ALCIDON.

Ce prétexte est si beau que je ne crains plus rien.

LA NOURRICE.

775Pour ôter tout soupçon de notre intelligence,
Ne faisons plus ensemble aucune conférence,
Et viens quand tu pourras : je t’attends dès demain.

ALCIDON.

Adieu ; je tiens le coup, autant vaut, dans ma main.

FIN DU SECOND ACTE.
  1. Var. Je te peux en tenir la fausse porte ouverte. (1634)
  2. Var. Que trop, mais je ne sache après où me sauver. (1634-57)
  3. Var. Tu n’en saurois manquer, aveugle, considère
    Qu’on t’enlève Doris : va quereller son frère.
    Fais éclater partout un faux ressentiment.
    Trop d’amis s’offriront à venger promptement
    L’affront qu’en apparence aura reçu ta flamme,
    Et lors (mais sans ouvrir les secrets de ton âme)
    Tâche à te servir d’eux. alc. Ainsi tout ira bien,
    [Ce prétexte est si beau que je ne crains plus rien.] (1634-57)
    Var. On t’enlève Doris, et ta feinte colère. (1660)