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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 1.djvu/605

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ACTE IV, SCÈNE IX.

Scène IX.

DORIS.

Qu’aux filles comme moi le sort est inhumain !
Que leur condition se trouve déplorable[1] !
Une mère aveuglée, un frère inexorable,
Chacun de son côté, prennent sur mon devoir[2]
1550Et sur mes volontés un absolu pouvoir.
Chacun me veut forcer à suivre son caprice :
L’un a ses amitiés, l’autre a son avarice.
Ma mère veut Florange, et mon frère Alcidon ;
Dans leurs divisions mon cœur à l’abandon
1555N’attend que leur accord pour souffrir et pour feindre.
Je n’ose qu’espérer, et je ne sais que craindre,
Ou plutôt je crains tout et je n’espère rien ;
Je n’ose fuir mon mal, ni rechercher mon bien.
Dure sujétion ! étrange tyrannie !
1560Toute liberté donc à mon choix se dénie !
On ne laisse à mes yeux rien à dire à mon cœur.
Et par force un amant n’a de moi que rigueur.
Cependant il y va du reste de ma vie[3],
Et je n’ose écouter tant soit peu mon envie ;
1565Il faut que mes désirs, toujours indifférents,
Aillent sans résistance au gré de mes parents,
Qui m’apprêtent peut-être un brutal, un sauvage :
Et puis cela s’appelle une fille bien sage !
Ciel, qui vois ma misère et qui fais les heureux[4],
1570Prends pitié d’un devoir qui m’est si rigoureux !

FIN DU QUATRIÈME ACTE.
  1. Var. Que leur condition me semble déplorable ! (1634-57)
  2. Var. Chacun de leur côté, prennent sur mon devoir. (1634-57)
  3. Var. Il y va cependant du reste de ma vie. (1634-60)
  4. Var. Ciel, qui vois ma misère et qui sais mon besoin,
    Pour le moins, par pitié, prends de moi quelque soin ! (1634-57)